Back to the Pelvat
Back to the Pelvat - 09 et 10 octobre 2013
Pendant que mes cristaux trempent dans du Dithionite et/ou du Cristocline (Marques déposées D. GOL), j'ouvre ici une nouvelle page de mon blog ...
J'ai beau chercher, je ne comprends pas d'où me vient cette extraordinaire fascination pour les roches cristallisées ? Quand j'étais gamin, mon père avait une petite vitrine dans laquelle il s'amusait à conserver quelques cailloux, bien modestes et certains brillaient un peu ... Mais pas suffisamment sans doute pour déclencher une passion !
Et pourtant, depuis toujours, à la façon d'un nain dans un conte de fée, je m'ébahis devant le premier cristal venu !! Et l'âge n'arrange pas les choses car maintenant, je ne me contente plus de les regarder dans la vitrine des autres, je vais carrément les chercher au bout des Alpes !!!
Au mois d'août dernier, j'étais déjà monté au pied du Pic de Pelvat, en Haute Ubaye, et durant trois belles journées, j'avais récolté quelques beaux cristaux qui faisaient alors ma fierté... (https://escapat-com.blog4ever.com/blog/lire-article-548029-10214248-a_la_poursuite_du_diamant_vert____albite__quartz__.html)
Les circonstances m'avaient alors permis de découvrir de nombreux filons cuprifères aux splendides oxydations vertes et bleues. A ce sujet, des échantillons sont en train d'être examinés en lames fines au Muséum d'Histoire Naturelle de Paris et j'en attends des nouvelles d'ici peu ; nous sommes peut-être au bord d'une belle découverte car, jusqu'alors, et avant que je n'y mette le nez, ce secteur de la Haute Ubaye était délaissé par les minéralogistes ...
C'est donc presque naturellement que j'avais décidé de consacrer au moins deux journées de mes vacances d'octobre à un retour sous le Pelvat !
Mercredi 09 octobre 2013
Il est 4h00 du matin quand j'émerge d'une mauvaise nuit de sommeil ...
Mais peu importe, je sais qu'une belle journée m'attend puisque je vais en montagne ! Je file avaler un café, engloutis un croissant et passe sous la douche.
A 5h30, je récupère mon beau-frère, Olivier, chez lui et nous roulons dans la nuit noire en direction des Alpes ...
Le jour se lève relativement tard en ce matin d'automne et il faudra attendre 7h05 pour y voir clair. Nous sommes du côté de Remollon; plus qu'une heure trente de route et nous serons arrivés à destination ...
Au fur et à mesure que nous avançons vers l'Ubaye, la température chute ! A Rousset, il faisait 14°C, A Barcelonnette, il ne fait plus que 6°C ! Heureusement que le coup de froid a été annoncé par les prévisionnistes et nous avons emporté avec nous gants, doudounes et bonnets !!
Comme prévu, nous arrivons à Maljasset à 8h30 ; il fait 3°C ici et nous découvrons le Bric de Rubren couronné d'une belle neige fraîche. Le manteau blanc couvre les faces nord dès l'altitude de 2700m ... J'angoisse un peu car c'est autour de cette altitude que l'on trouve les belles cristallisations du Pelvat ; si le sol est couvert de neige, je ne pourrai pas prospecter et mon séjour sera voué à l'échec, du moins en terme de minéralogie ...
Le Bric de Rubren, bien enneigé, au-dessus de Maljasset
La Pointe Basse de Mary, toute blanche elle aussi !
On chausse les souliers de marche, on enfile les coupe-vents et, le Buff sur le nez et les oreilles, je commence la longue marche qui nous sépare de la Cabane de Chabrière ...
Mon sac est raisonnablement lourd, autour des 14 kilos mais je sais qu'au retour, si la chance m'a sourit, il pèsera bien plus que cela ... Pour le moment, les jambes froides et le souffle encore court, je me félicite qu'il soit "si léger" !
Malgré quelques nuages et un soleil qui ne se lèvera sur la vallée que bien plus tard, le temps est plutôt beau. Olivier et moi faisons quelques photos tout en progressant vers le Plan de Parouart. Il faut dire que le paysage, s'il manque encore un peu de lumière, est réellement magnifique : les mélèzes commencent très sérieusement à virer à l'or, les feuillus rougissent et les pâturages ont des tons cuivrés, là où les brumes matinales les laissent apercevoir ...
Le Panestrel, vue de la rive gauche de l'Ubaye
Au Plan de Parouart, les méandres lents de l'Ubaye
La Tête des Toillies (Rocca la Niera en italien), au fond de la vallée
Les Rochers de L'Eissassa, au fond, vus depuis le Plan de Parouart
Passé l'ancien lac du Plan de Parouart et les méandres délicats de l'Ubaye, nous attaquons la montée en rive gauche du Vallon de Chabrière. Soudain, au détour du sentier, la gigantesque silhouette en "proue de navire" du Pelvat nous apparaît ; c'est la face ouest et elle est libre de toute neige ! C'est une excellente nouvelle qui me remonte le moral.
Tout en avançant, je fais le constat qu'après ce séjour, le Pic du Pelvat sera très certainement la montagne des alpes que je connaîtrais le mieux !! En effet, au mois d'août, j'en explorais sérieusement les faces ouest et est et les deux prochains jours, si tout se passe comme prévu, je devrais visiter une bonne partie de la face nord et surtout la très vaste face sud ... Mais bon, nous verrons bien ...
Il est 10h45 lorsque nous arrivons enfin à la cabane de Chabrière ; en habitué des lieux, j'en fais faire la visite à Olivier qui la découvre aujourd'hui ! Evidemment, il aurait préféré que nous puissions dormir dans la partie réservée au berger mais la porte est toujours fermée à clé. Nous devrons nous contenter de l'abri pour randonneurs, comme je l'avais fait au mois d'août.
Olivier met la table à Chabrière
Entre temps, le logis a subi quelques modifications qui ne sont pas forcément à notre goût ; le berger, utilisant cette construction comme une dépendance de sa cabane, y a déposé 6 gros sacs de croquettes pour chien, chacun pesant plus de 15 kg ; il a également supprimé l'unique chaise qui s'y trouvait et qui avait toute son utilité et, pire que tout, a autorisé quelques-uns de ses moutons à venir s'y abriter, ce qui a laissé dans l'abri un fumet caractéristique et aussi quelques crottes dont on se serait bien passé !!!
Bref, après un bon ménage de 20 mn, l'abri a retrouvé un peu de fraîcheur et nous nous y installons.
je propose à Olivier que nous déjeunions immédiatement (il est 11h25) afin de pouvoir profiter pleinement de l'après-midi pour mener à bien nos projets respectifs . Il est OK et, après nous être bricolé un banc sommaire et avoir transporté sur la terrasse la petite table, nous mangeons de bon appétit !
Malgré la fraîcheur du fond de l'air, nous profitons d'un beau soleil et d'un paysage inégalable pour prendre une bonne collation. Je sais qu'il nous faudra beaucoup d'énergie pour affronter le difficile programme de l'après-midi, du moins celui qui m'attend !
La Casse des Marchands et le Haut Vallon de Chabrière depuis la cabane
Au repas, avant les gros efforts !
Il est 12h10 lorsque nous partons ensemble, les sacs à dos allégés de tous le matériel superflu. Pour ma part, j'ai autour de la taille ma ceinture "porte-matériel" à laquelle j'ai fixé ma massette de 1.5 kg et mon aiguille de 650 gr. J'ai également emmené des gants de VTT, coqués, pour éviter de me briser les os de la main si par hasard le coup venait à déraper !
En mode "cristallier" !!
Olivier, lui, a juste emporté un peu d'eau, quelques barres énergétiques et son APN ...
Nous cheminons ensemble plein nord jusqu'à la base du couloir rocheux qui permet d'accéder au Plan de Gandin. Puis, les jambes lourdes, nous en commençons l'ascension. Ici, les roches sont plutôt calciques et peu intéressantes pour le collectionneur ; par contre, on y trouve des schistes lustrés violets, roses et verts, du plus bel effet !
Bloc de schiste lustré
Olivier grimpe vers les Crêtes de La Gavie
Arrivés en haut du couloir, nos chemins se séparent ; Olivier compte rejoindre la Crête de la Gavie et l'altitude approximative de 3100m tandis que je vais m'élever dans les rudes éboulis de la face nord du Pelvat ...
Chacun a pris le soin d'emporter un sifflet, on ne sait jamais ...
Je franchis d'abord un dédale de blocs monstrueux dont certains sont plus gros qu'un camion. Je réalise que la plupart sont des blocs de lave refroidie, nés dans les profondeurs de l'océan alpin voici plus de 250 millions d'années, entre le Lias et le Jurassique. J'essaye d'interpréter ce que je vois, avec la série "ophiolitique" classique de la Téthys alpine (basalte, gabbros, péridotites) ...
Laves en coussinets
Mais ce que je vois surtout, c'est qu'entre le dédale de blocs et les falaises de la face nord, les grands éboulis sont presque couverts de neige !!!! Ce sera dur d'y trouver d'autres cristaux que ceux que la neige dessine !!
Malgré tout, je ne perds pas espoir et je m'élève lentement vers les falaises de basalte sombre. En dépit du fait que j'ai pris la précaution de porter un casque, je scrute sans cesse l'immense paroi car je vois ça et là au sol, des impacts de roche explosée, tombée des hauteurs ...
J'arrive au pied de la face nord du Pelvat ...
Enfin, après de longs efforts, j'atteins le pied de la paroi ; comme je m'y attendais, la falaise en léger surplomb a empêché la neige, probablement tombée sans vent, de couvrir la base des éboulis. Je choisis de rester bien contre la roche pour m'abriter d'éventuelles chutes de pierres. Grand bien m'en a pris car quelques instants plus tard, j'entends au-dessus de moi un bruit d'impact sur la roche suivi, quelques secondes plus tard, d'un gros "chtonk" très sonore à moins de 20m de ma position !!! Le bloc qui vient de tomber est gros comme une tête humaine !!!
C'est bien là le premier danger qui guette le chercheur de cristaux ; on crapahute dans des endroits très escarpés et bien casse-gueule mais on est toujours hyper concentré et extrêmement prudent mais qu'une seule pierre arrive sans crier gare du haut de la paroi et tout peut s'arrêter très vite ...
Tout en restant en alerte, j'essaye de sortir de ma tête ces sinistres pensées quand soudain, un premier bloc de cristaux attire mon regard ; il a dû, lui aussi, tomber du haut de la paroi en se détachant de sa gangue originelle, et attendait depuis fort longtemps le passage d'un minéralogiste égaré !! L'épidote et l'albite sont magnifiques, en cristaux bien développés ; c'est une merveille et je souris béatement en la contemplant sous tous ses angles ! Je l'empaquète ensuite précautionneusement avec du sopalin (j'en ai amené un rouleau entier !!) avant de la caler au fond de mon sac à dos.
Ce sera la première découverte d'une longue série ...
En effet, tandis que je rejoins peu à peu le virage de la face ouest, je trouve quelques belles pièces que je ramasse et sécurise. Bientôt, cumulé au poids de la massette et de l'aiguille, j'ai près de 8 kg de matériel dans mon sac à dos. Je suis heureux car toute la fatigue accumulée ne l'a pas été en vain ; le secteur est vraiment intéressant malgré les efforts qu'il nécessite !
je parviens enfin en vue de la grande vire de la face ouest ; en août, j'étais resté bien plus bas mais j'avais repéré cette vire perchée que j'estimais être un endroit propice à de belles récoltes. Cette fois-ci, je suis arrivé par "en-haut" et j'ai du descendre d'une cinquantaine de mètres pour atteindre la vire. En fait, il s'agit d'un vrai replat, large de plus de 20m par endroit, et couvert d'éboulis stabilisés.
Rapidement, je me rends compte que la zone n'est pas intéressante ; les roches sont trop calciques ici et les cristallisations d'épidotes sont quasiment absentes ... Tant pis, je vais jusqu'à la cassure qui domine la Casse des Marchands et notre cabane, histoire de profiter de la vue imprenable. Mon choix va payer puisque, contre toute attente, je tombe sur un très gros rocher dont une face est constellée de cristaux d'albite translucides, de cristaux d'épidote d'un beau vert sombre et de cristaux de calcite dont l'habitus est très particulier, en escalier !!
Au boulot !!
Première étape, sécuriser les "décrochages" : cela signifie qu'il faut colmater au mieux tous les trous dans lesquels pourraient tomber les blocs que je vais essayer de détacher. Eh oui, il faut bien penser que le rocher se trouve lui-même au cœur d'un océan de pierres et qu'il y a des trous partout qui communiquent avec les étages inférieurs ... Qu'une seule belle pièce vienne à tomber dans un de ces trous et il y a peu de chance que je ne la revoie jamais !
Donc, avec des petites pierres, je "bouche" au mieux tous les gros trous avant d'attaquer la seconde étape qui consiste à affaiblir suffisamment le basalte pour qu'il veuille bien me céder une belle plaque bien minéralisée !
Et pour cela, il va falloir frapper l'aiguille à grands coups de massette, à tel point que l'on est à bout de force après 15 ou 20 percussions, incapable de tenir une fois de plus le manche dans ses doigts ! De plus, pour avoir toutes les chances d'obtenir une belle plaque, il faut procéder par "touches" et faire des trous à intervalles réguliers sur une ligne imaginaire le long de la plaque souhaitée, tout en sachant que le basalte a un clivage parallèle à la cristallisation, ce qui signifie que bien souvent la plaque va se fragmenter en plusieurs morceaux, faisant échouer toute l'opération et risquant de saborder définitivement la plaque...
Le plus difficile, c'est de ne pas fragmenter les plaques ...
Eh oui, il faut vraiment que ce soit une passion car la tâche est ardue, de la marche d'approche au retour surchargé, en passant par la taille de pierre sur place et les risques liés à l'environnement !
Bref, après 20 mn d'une bataille acharnée, je gagne la première manche et récupère une belle plaque bien cristallisée. Je souffle un peu et m'attaque à une deuxième plaque, très belle également mais cette fois-ci, c'est la roche qui aura le dernier mot car je ne parviendrais pas à détacher la plaque malgré 30 mn d'efforts acharnés. Penaud, j'abandonne, en me disant que je reviendrais un de ces jours la chercher si aucun autre fondu n'est passé ici entre-temps !
Du bruit, plus haut sur la paroi, me laisse de nouveau penser à des chutes de pierres mais non, c'est un jeune bouquetin mâle qui traverse une étroite vire pour s'éloigner de moi ... Quelle beauté, quelle grâce, comment une bête de près de 130 kg peut-elle gambader aussi souplement en pleine falaise en défiant les dures lois de la gravité ?
Récupérant mon sac à dos devenu très lourd, je retourne sur mes pas pour quitter la large vire. Une pente très raide, à près de 50°C, m'attend désormais pour rejoindre le pied de la face ouest ; je descend prudemment, malgré la fatigue et la lassitude (ça fait tout de même 5h que je crapahute entre 2650 et 2850m d'altitude, sur des pierres non stabilisées et je suis crevé) et tombe encore sur quelques belles pièces, dont deux cristaux de quartz magnifiques, détachés de leur gangue ...
Au-dessus de la grande vire de la face ouest
Une belle épaisseur de schistes lustrés qui dominent le vide ...
Pour rentrer à la cabane, je décide de longer la base de la face ouest, en sens inverse de celui parcouru au mois d'août ...
je ne sais pas si les cristaux que j'ai trouvé en cette dernière heure de prospection étaient déjà là à mon dernier passage où s'ils se sont détachés de la paroi entre temps, mais toujours est-il que je vais encore remplir mon sac à dos de quelques kilogrammes supplémentaires ! La plupart des pièces sont magnifiques. Je laisse même de beaux spécimen car j'ai horriblement mal aux reins et je suis presque dans l'incapacité de porter davantage de pierres en cette fin d'après-midi ...
Je passe de nouveau à côté des beaux filons de minerai bleu-vert ; j'aurais voulu en ramasser de nombreux échantillons mais pour cela il faut grimper un peu et je n'en ai plus la force. De plus, la roche est très humide sur cette face qui ne voit le soleil qu'à partir de 15h00 et l'escalade est trop risquée. Je me contente de ramasser deux ou trois morceaux tombés au sol ...
Mes fameuses minéralisations vertes et bleues qui sillonnent le coeur de la montagne
Il est 17h30 quand je me décide enfin à couper au plus court pour rejoindre la cabane par les longs éboulis qui longent la face. En cadeau d'adieu, la paroi m'offre une dernière pièce, sublime, parfaitement cristallisée ! Malheureusement, la gangue est volumineuse et je ne peux me résoudre à tenter de la casser pour alléger la pièce : J'emporte donc la pièce entière, ajoutant de fait près de 2 kg à mon lourd chargement !!
C'est brisé, épuisé, que je rejoins la petite cabane à 18h10. J'y dépose mon lourd fardeau (j'ai récolté près de 15kg de roche !) et m'écroule sur notre banc de fortune. Une vilaine douleur me vrille le dos, du côté gauche ...
J'aperçois Olivier qui s'en retourne vers la cabane ; il n'a pas de sac à dos et arrive de la Casse des Marchands ; j'en déduis qu'il a achevé sa première randonnée plus tôt et qu'il est juste aller faire un tour avec son appareil photo aux alentours de notre refuge, ce qu'il me confirmera un peu plus tard.
Avec son aide, je déballe ma récolte puis, une fois chaque pièce sortie de son morceau d'essuie-tout, je commence à les nettoyer grossièrement à l'eau, avec une brosse en plastique laissée là par le berger. Débarrassées d'une partie de leurs impuretés, les pierres se mettent à briller de mille feux. L'eau glacée paralyse mes doigts mais qu'importe, le jeu en vaut mille fois la chandelle ! je suis heureux et mes yeux vont d'un cristal à l'autre, avec le regard naïf d'un petit enfant ...
Déballage avant le nettoyage !
Les mains dans l'eau glacée mais il faut bien en passer par là !
Une fois la trentaine de pierres mise à sécher, nous décidons, Olivier et moi, de passer à l'apéro !!
Cachottier, mon beau-frère sort alors de ses provisions une cannette de Desperados de 33cl que nous partageons bien volontiers ! Un peu de saucisson, quelques chips et il n'en faut guère plus pour annoncer une bonne soirée !
A l'apéro !! En dépit des apparences, on a presque froid ; il fait environ 0° C et il n'est que 19h30 !!
Le seul "hic", c'est que la nuit tombe très vite en cette saison et que le froid qui l'accompagne est glacial. Il faut dire que la neige est 500m plus haut !
C'est donc à la frontale et engoncés dans nos doudounes et veste chaudes que nous finissons notre bière. On rigole, on se raconte nos péripéties du jour, on profite d'être là, hors du temps, hors du monde ...
Autoportrait
La soupe à la grimace !!!
Les dernières chips finies, il faut faire chauffer de l'eau ; pour réhydrater mes "pâtes à la carbonara" lyophilisées et pour faire chauffer au bain-marie les pâtes au saumon d'Olivier !
Le repas sera vite expédié, non seulement parce qu'il n'est vraiment pas terrible en terme de goût mais aussi et surtout parce que nous sommes très fatigués de notre journée et que nous aspirons à nous installer au plus vite pour la nuit ...
Dans la cabane, il n'y a qu'un bat-flanc en bois, trop étroit pour deux personnes ; Olivier décide donc de se faire un matelas improvisé avec des matériaux inattendus : Déposant au sol 6 gros sacs de croquettes pour chien recouverts d'un matelas gonflable, il improvise un lit peu confortable mais bien isolant ! Le seul inconvénient des croquettes, c'est qu'elles crisseront bruyamment toutes les fois qu'Olivier se tournera dans la nuit !!!
A 21h 15, nous sommes dans nos duvets, lumières éteintes ...
Jeudi 10 octobre 2013
Il est 8h00 lorsque nous nous réveillons ce matin. Enfin, se réveiller, c'est beaucoup dire car la nuit a été mauvaise ! Non seulement le tanka qui sert à maintenir la collerette de mon duvet a cassé (ce qui m'a obligé à la tenir pincée dans mes doigts) mais en plus je ne suis pas arrivé à trouver le sommeil hier soir jusqu'à tard dans la nuit ! Et puis, il y a eu le sempiternel lever nocturne pour soulager l'excès de bière (!), vers 3h50 du matin !
Bref, je m'extirpe de mon duvet et ouvre la porte de la cabane pour faire un point météo : Il fait froid mais pas autant qu'on aurait pu le penser et il y a d'énormes volutes de brume qui montent à l'assaut de la vallée. Là où l'on voit le ciel, il y a un voile de nuage plus ou moins diffus ... Tout cela ne semble pas annoncer du beau temps mais nous verrons bien.
Au matin, tout est humide et froid !
Le brouillard monte depuis la Vallée de l'Ubaye
Tout en prenant le petit déjeuner, nous planifions notre journée. Olivier montera par la Casse des Marchands pour rejoindre Chabrière Longue et, s'il se sent en forme, il rejoindra peut-être le Col de l'Autaret. Pour ma part, je vais rejoindre au plus vite l'angle SO du Pelvat pour m'élever ensuite dans l'immense face sud, toujours en quête de cristaux. Par contre, je me fais la promesse de ne ramasser que les très belles pièces car j'ai déjà une quinzaine de kilogrammes de pierres à transporter au retour, en plus de mon bardas habituel ...
Olivier se régale d'un bon café brûlant !
A 9h00 précises, nous partons chacun de notre côté. Nous avons convenu d'être au plus tard à 12h00 à la cabane.
Ce matin, les températures négatives de la nuit ont déposé au sol une belle couche de gelée blanche ; grimper dans un éboulis dont les pierres sont verglacées va s'avérer terriblement compliqué ...
Par chance, un vent plus chaud et sec se lève assez vite. Les températures remontent rapidement et les roches perdent peu à peu leur humidité. Relativement reposé par la nuit, je grimpe régulièrement dans la pente jusqu'à dominer la cassure géographique de la Casse des Marchands.
Au-dessus de moi, un chamois m'observe paisiblement ; c'est un beau mâle, trapu et musclé. Plus haut, ce sont deux jeunes bouquetins, encore des mâles, qui bondissent de dalles en corniches sans me quitter des yeux !
Chamois
Bouquetins
En pénétrant dans la face est, je découvre qu'elle est constituée d'un gigantesque éboulis large de plus de 900m et haut de 500m environ. Je sais que je n'aurais pas le temps de prospecter l'ensemble et que je ne pourrais y faire qu'une reconnaissance mais c'est mieux que de ne pas y mettre les pieds ...
La vaste face sud du Pelvat, bien pauvre en minéraux semi-précieux ...
Il est 10h00 quand j'arrive à peu près au milieu de l'immense éboulis. Je suis très déçu car la roche est majoritairement calcique ici aussi et il n'y a pas d'épidote, pas d'albite ; on n'y trouve que quelques rares cristallisations de calcite de peu de valeur ... La seule chose intéressante que je trouverais dans cette mer de roche, c'est une plaque de basalte où dominent les couleurs bleues et vertes caractéristiques : Cela signifie que les filons cuprifères irradient sur trois faces de la montagne puisque seule la face nord ne m'en a pas encore révélé ...
Une plaque tombée des hauteurs qui indique que les filons cuprifères existent aussi en face sud !!
Je décide d'arrêter mes recherches et de retourner à la cabane. De toutes façons, il n'y a rien d'intéressant ici et j'ai encore pas mal de travail en bas pour tailler quelques pierres et les rempaqueter pour le transport.
Je franchis un dédale de grès pour rejoindre le Vallon de Chabrière un peu à l'est de la Casse des Marchands et vois arriver Olivier qui s'en revient du Col de l'Autaret. On se rejoint quelques instants plus tard. En fait, il est allé en vue du col mais ne l'a pas atteint. Tout comme moi, il est fatigué et a les jambes lourdes. Nous décidons de redescendre ensemble ...
Lorsque nous arrivons en vue de la cabane, une silhouette humaine entourée de trois chiens apparaît ; c'est le berger, venu récupérer quelques bricoles dans la bâtisse. Il en a également profité pour nourrir ses chiens d'un bol de croquettes chacun.
Nous entamons la conversation ; il est de Barjols, dans le Var, et redescend avec ses bêtes d'ici une semaine. Il a l'allure typique des bergers de montagne, moitié rasta, moitié clochard céleste. Il parle peu, juste pour dire l'essentiel et nous quittera bien vite, comme s'il était gêné de s'imposer à nous par sa simple présence ...
Le berger et son 'troupeau" de chiens !!
J'emballe mes cristaux. L'air est tellement humide qu'ils n'ont pas séché depuis hier soir ! Je les mets tous dans un gros sac bien costaud que j'installe au fond de mon sac à dos. Avec seulement cette charge-là, il est déjà aussi lourd qu'à l'aller !! Le problème, c'est qu'il va falloir que j'y mette aussi toutes mes affaires ...
Le temps que je termine mes préparatifs, un vent glacial s'est levé ; il souffle depuis l'ouest, en rafales.
Du coup, ce qui devait être un dernier repas bien tranquille s'est transformé en une vraie débâcle ! Harcelés par les rafales de plus en plus violentes et par le froid vif et mordant, nous avons précipité le temps du repas, plié bagages et fuis au plus tôt, comme si nous avions l'hiver en personne à nos trousses !!
Le retour s'est fait au pas de charge, pour se réchauffer d'une part, pour traverser rapidement un vaste troupeau de moutons sans se faire agresser par deux patous malcommodes d'autre part, mais aussi et surtout car je voulais que le calvaire que mon dos endurait à chaque seconde dure le moins longtemps possible !
Sur le sentier du retour, avec le Pelvat tout là-bas ...
Au Plan de Parouart, une incroyable surprise nous attendait au bord du sentier : Un magnifique bouquet de Pulsatilla alpina, la Pulsatille des Alpes, pleinement épanouie ... Elle qui ne fleurit que de mai à juillet !!!! Et dire que nous ne l'avions pas vu à l'aller !!!
Pulsatille des Alpes, encore en fleurs en plein mois d'octobre !!!!
Parvenus à moins d'un kilomètre de Maljasset, une pluie fine et glacée s'est mise à tomber. Alentour, le paysage s'est assombri comme à l'approche de la nuit et les sommets ont disparu dans des nuages de neige. Il était vraiment temps de rentrer, temps de laisser le froid et l'automne s'installer durablement sur ces hautes terres ...
Le mauvais temps s'est installé très vite sur toute la haute vallée ; il est temps de partir !!
En marchant, perclus de douleurs, les membres gourds, je pensais à l'été prochain, à mon retour très probable sur les vires du Pelvat, aux futurs cristaux qui m'auront attendu là-bas, eux qui attendent la fin des temps depuis des millénaires ...
Port-folio :
En face de la cabane, au matin du deuxième jour ...
L'immense face sud du Pelvat ...
La face ouest du Pelvat et sa fameuse "vire" !
Olivier, sur le joli sentier qui remonte la rive gauche de l'Ubaye ...
Vue sur les Pointes Hautes et Basses de Mary depuis les contreforts sud-ouest du Pelvat ...
Des éboulis, encore et toujours ...
La Pointe Haute de Mary depuis la Casse des Marchands ...
Le Peouvou et la Petite Tête Noire vus depuis la Casse des Marchands ...
Et enfin, quelques photos des premiers cristaux sortis de leurs bains d'acide (malheureusement, je ne suis pas équipé pour réaliser de beaux clichés de minéraux ; ça vaut ce que ça vaut ! ça ne donne qu'une vague idée de la beauté réelle des cristaux !! )
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