Une journée dans les Maures
A la rencontre d'une fleur très rare...
Lundi 12 mars 2012. Il est 10h15 et il fait déjà 23°C là où nous nous trouvons !
Ciel bleu, brise légère, des odeurs de maquis tout autour de nous, c'est presque le mois de juin... avec 3 mois d'avance !!!
Ce maquis, ce ciel bleu, c'est celui du Massif des Maures, du côté de la Garde-Freinet...
Si je suis venu ici en ce jour de repos (ben oui, j'ai bossé ce week-end, moi !!!), avec mon cher beau-frère (again !), c'est que nous sommes en mission "très spéciale" !!
Il va s'agir de trouver quelques pieds d'une fleur très rare, très belle et très précoce, dans l'immensité forestière des ubacs du Massif des Maures... Bref, tout un programme !
Armés de deux litres d'eau, d'un bon sandwich, d'un beignet au nutella et de nos chers réflex (chers, oui !!), nous empruntons en voiture (une fois n'est pas coutume !), une longue piste forestière pour approcher au plus près "le" bois de châtaigner où nous savons, de source sûre (et très confidentielle), que pousse la belle...
Autour de nous, le paysage est caractéristique du massif; maquis à bruyère blanche et calicotomes (une sorte de genêt extrêmement épineux !), d'où surgissent parfois d'énormes masses de schiste gris-brun...
Puis, nous longeons de vastes châtaigneraies, âprement défendues par des kilomètres de fils barbelé (!!).
Vieilles souches de châtaignier au bois caractéristique, plein de nodosités et de veines...
Nous garons la voiture et partons à pied vers les "stations" (c'est ainsi que l'on nomme les endroits où poussent des espèces botaniques) indiquées sur notre plan.
Ici, hormis les châtaigniers, c'est le royaume du chêne liège (Quercus suber), cet arbre très particulier que l'homme exploite depuis des centaines d'années.
Le chêne-lège est à coup sûr l'espèce qui résiste le mieux aux incendies; en effet, son épaisse écorce de liège, constituée de cellules mortes, forme une protection absolue contre les flammes, qui n'ont aucune chance d'atteindre les parties vitales de l'arbre ! De fait, le feu passe, chauffe et brûle la "peau morte" de l'arbre mais le tronc et la sève restent à une température suffisamment "fraîche" pour que la vie s'y maintienne !!
Une question vous brûle probablement les lèvres : "Pourquoi alors ne plante-t-on pas cet arbre miraculeux dans la totalité des massifs provençaux ??"
La réponse est pourtant très simple : Le chêne-liège est "inféodé" (c'est à dire qu'il ne peut pas quitter le biotope qui lui convient) aux sols siliceux. Il n'a aucune chance de se développer sur un sol calcaire, hélas !!!!
Quant à la production de liège, plutôt que de vous expliquer tout le processus, je vous renvoie à ce lien, particulièrement clair et intéressant :
http://www.amorimfrance.fr/recolte-liege.html
Avouez que vous regarderez un simple bouchon de liège avec plus de respect, dorénavant !!!
Bref, nous commençons notre prospection sur un sol couvert d'une épaisse couche de feuilles mortes et de bois plus ou moins pourri. Le sol est en pente, glissant et par endroit, les premières jeunes ronces commencent à envahir le côteau.
Il nous faudra plus de 20 mn de recherche avant d'apercevoir enfin la plante tant convoitée, l'Erythrone Dent-de-chien !
C'est la première fois que je la vois et ce genre de rencontre est toujours empreint d'émotion lorsqu'on se passionne pour la botanique...
Délicate, très fragile, gracieuse et frêle comme une danseuse d'opéra, elle s'élève délicatement au-dessus de la litière des feuilles.
Elle me fait penser au cyclamen par son port et sa couleur rose tendre mais la comparaison s'arrête là. L'Erythrone est beaucoup plus photogénique !
Ses feuilles, toutes particulières, semblent avoir été préparées par des militaires spécialistes du camouflage ! Il est impossible de dire si les feuilles sont d'un vert teinté de brun rouille ou si elles sont brun rouille teintées de vert !
La tige, toute frêle et d'un beau rose rougeâtre, vient se terminer en une anse délicate au-dessus du calice. A partir de là, c'est une fleur typique des Liliacées, à six pétales et six étamines qui se déploie superbement.
Le nom de cette belle Liliacée mérite quelques explications :
"Erythros" signifie de "couleur rouge" en grec ancien, allusion à la couleur foncée de la base des pétales, côté interne de la fleur.
"Dent de chien" car le bulbe (système racinaire chez les Liliacées, entre autre) de cette plante laisse apparaître plusieurs bourgeons d'un blanc éclatant semblables à des crocs de chien !
Nous ne rencontrerons qu'une trentaine de pieds de cette fleur particulièrement rare en région méditerrannéenne, localisés sur quelques centaines de mètres carrés !
Un heureux hasard nous permet de rencontrer un unique pied de Gagée des champs (Gagea pratensis), encore une fleur rare !
Gagea pratensis, avec un de ses pollinisateurs, une petite andrène de la famille des Hyménoptères.
Il est midi et la faim nous guette; nous quittons notre aire de prospection, plusieurs dizaines de photos sur les cartes mémoires de nos APN et nous gagnons une petite saillie rocheuse qui émerge du maquis. La vue porte loin vers les Alpes et vers l'ouest mais l'air est brumeux et la visibilité plutôt moyenne.
Dans le lointain, la frontière italienne avec le Gélas (au centre), le Clapier, le Grand Capelet, autant de hauts sommets du tréfond des Alpes-maritimes !
Ici, notre mission est terminée. Nous avons vu ce que nous étions venus chercher en cette belle journée de mars. Nous choisissons donc, puisqu'il est encore tôt, d'aller faire un tour du côté du Bois du Rouquan, le lieu mythique des passionnés d'orchidées sauvages !
Il nous faudra moins d'une heure pour parvenir au site du Pont Romain, où nous stationnons de nouveau le véhicule.
Ici, au coeur de la Plaine des Maures, une Réserve Nationale Protégée, vit une faune caractéristique des milieux chauds et humides. Les reptiles y sont nombreux et notamment la très célèbre Tortue des Maures (terrestre) mais aussi la Cistude d'Europe (aquatique).
Mais nous ne sommes pas venus ici pour rencontrer des reptiles; ce que nous cherchons, ce sont les toutes premières orchidées de la saison.
Il est encore beaucoup trop tôt mais il arrive parfois que quelques pieds très bien exposés puissent fleurir précocément !
Nous aurons la chance d'en découvrir deux, fleuris, de l'espèce Neotinea lactea (l'Orchis couleur de lait). Partout ailleurs, nous n'en verrons que les rosettes basales (les feuilles à la base de la plante).
Neotinea lactea, en tout début de floraison !
C'est en cherchant d'autres plantes qu'Olivier, mon beau-frère va faire une rencontre qui lui glacera le sang !!! Une superbe couleuvre d'Esculape d'1,50m de long, qu'il va déranger au beau milieu de sa sieste !
Ces animaux me fascinent et je n'en ai absolument pas peur. Je me suis donc lancé à la poursuite de la couleuvre. Jai fini par repérer son refuge sous une énorme souche et l'ai attrapé pour la voir de plus près !
Evidemment, le serpent n'était pas très satisfait de mon intervention et m'a mordu deux fois (c'est une morsure à peine perceptible et absolument inoffensive !) avant que je n'arrive à lui immobiliser la tête. Elle soufflait et grondait, je ne sais par quel moyen, mais elle me signifiait probablement que mon petit jeu ne l'amusait pas trop !
je suis tout de même arrivé à la calmer, nous avons fait quelques photos puis je l'ai déposé devant sa souche qu'elle s'est empressée de rejoindre à toute vitesse !!!
La couleuvre d'Esculape est un serpent qui sait très bien grimper aux arbres, qui nage très vite et qui adore la chair des grenouilles et autres batraciens !!
Après cet épisode sportif et mouvementée, nous avons encore arpenté de longues minutes les magnifiques grès permien du Bois du Rouquan mais sans y faire d'autres rencontres notables...
En observant ce site si particulier, je me disais que ce pourrait être sympa d'aller rouler un peu à VTT par là-bas, un de ces quatre, sur ce terrain qui ressemble un peu à Moab ou Arches... enfin, un peu !!!!!
Les grès du Permien. Le "Permien", c'est l'un des étages géologiques de l'Ere Primaire. Il a duré de - 299 à - 251 millions d'années avant nos jours ! Il se situe entre le Carbonifère et le Mézosoïque.
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